Le café comptoir ABEL, l’institution lyonnaise
Les amateurs de cuisine lyonnaise ont leurs habitudes dans cette petite rue pavée entre la Basilique d’Ainay et la Saône. Blottie derrière la voûte, la façade à petits carreaux de bonne auberge et à l’enseigne Abel est plutôt engageante. Une adresse de moins en moins secrète tant le bouche à oreille s’est répandu bien au-delà de nos frontières.
En poussant la porte, on pénètre dans l’univers canaille d’une auberge du XIXème siècle, au décor patiné à souhait, « dans son jus », comme on dit, les boiseries constellées de réclames de boissons d’autrefois, éclairées par la lumière douce des boules d’opalines. Comme au théâtre, les clients s’exclament au rythme du service des plats. Si les murs pouvaient parler, ils diraient combien de générations de bons vivants se sont succédées pour se délecter des plats faits maison tirés d’un répertoire qui magnifie les abats, tripes, tête, foie, rognons et ris de veau …, les volailles, le saucisson de Lyon, les pièces de bœuf…
Abel c’est la bonne adresse de cuisine lyonnaise, un digne ambassadeur de l’association des Bouchons Lyonnais. Une adresse maintenue par le savoir-faire des chefs de cuisine. Ils sont rares … parce qu’ils sont fidèles (Alain Vigneron est resté plus de 40 ans en cuisine au Café Comptoir Abel). Ici, les Chefs font leurs armes et précisent leur geste au fils des années, pour incarner le savoir-faire ancestral et la générosité du bouchon lyonnais. Cette constance est devenue magie ; elle permet de retrouver le goût d’une autre époque que nombre de lyonnais et de gastronomes n’auraient pas pu connaitre.
Au premier rang des spécialités façonnées et « envoyées » par le Chef et sa brigade, la quenelle de brochet sortant du four, aérienne et gonflée comme un dirigeable, allongée voluptueusement dans un bain de crème, assurément reconnue comme la meilleure de Lyon. Plus loin, on croise le fer pieusement ou bruyamment autour d’une poule au riz sauce suprême, d’un poulet à la crème et aux morilles, de rognons de veau sauce madère, d’un gratin d’écrevisses, ou d’une côte de veau fondante et caramélisée. Les « artichauts – haricots » verts justes cuits ont une saveur intacte, inconnue de nos jours, les ris de veau dorés à souhait crépitent encore dans leur poêlon en arrivant sur table. Même le riz pilaf, cuit au bouillon de poule, laisse un souvenir impérissable.
Après un fromage blanc à la crème, ou un demi St Marcelin de la Mère Richard, le rayon sucré n’est pas en reste ; le baba gorgé de rhum avec son panache blanc de Chantilly est un péché et le sorbet châtaigne et chocolat chaud franchement diabolique.
La carte des vins surtout portée sur les Côtes du Rhône a de quoi alourdir la pénitence.
Si le rez de chaussée s’apparente aux bouchons lyonnais, Abel se mue en bistrot bourgeois en accédant aux salons de l’étage ; Plafonds et parquets à la française, tapisseries de velours écarlate aux murs, lustres à facettes et appliques art déco confèrent beaucoup d’allure à la grande salle. D’autres salons également décorés à l’ancienne permettent aux groupes et banquets de tenir leurs agapes.